Pascal Pavageau a été élu secrétaire général de Force Ouvrière (FO) le 27 avril, lors du congrès du syndicat à Lille.
Seul candidat en lice, il succède à Jean-Claude Mailly qui a dirigé FO pendant 14 ans. Ingénieur de l’État de 49 ans, passionné d’environnement, il veut réhabiliter l’action syndicale.
Portrait (source l'usine nouvelle)
Toute sa scolarité, Pascal Pavageau a défendu ses petits camarades en tant que délégué de classe. C’est d’ailleurs comme représentant de la 33e promotion de l’École nationale des travaux publics de l’État (ENTPE) qu’il noue son premier contact avec le syndicalisme. Force ouvrière est largement majoritaire au sein du corps des ingénieurs des travaux publics de l’État, que Pascal Pavageau croise dans les instances de l’ENTPE. "Ils me soutiennent, on a des échanges intéressants sur la politique générale et les cas individuels. Je les trouve justes". Dès sa première année à l’ENTPE, il adhère à FO, où il crée une section syndicale. Un acte fondateur qui le mènera, le 27 avril, à la tête de la confédération syndicale, à 49 ans.
Servir l’intérêt général
Aucun antécédent d’engagement dans sa famille. Au contraire. Enfant de la Ddass, il parle d’ "une enfance pas forcément facile ". Ses parents adoptifs, aujourd’hui décédés, voient d’un mauvais œil chacune de ses élections comme délégué de classe. "Moi, j’étais heureux ! Surtout quand j’avais l’impression d’avoir sauvé la vie – au moins ! – d’un camarade. Je servais à quelque chose, c’était très gratifiant." Il choisit l’ENTPE et la carrière de fonctionnaire parce qu’il veut "servir l’intérêt général". Entré dans la vie active, il reste fidèle à Force ouvrière "pour son indépendance politique". Pascal Pavageau sera le premier secrétaire général de FO à ne pas avoir sa carte dans un parti. Tous ses prédécesseurs étaient membres du Parti socialiste. "Je ne suis ni trotskiste ni anarchiste ni franc-maçon. Je n’ai jamais eu d’autre engagement que FO." Avant de se consacrer à plein-temps au syndicalisme, il exerce comme ingénieur de l’État, dans le Nord et le Centre, dans la police de l’eau, la navigation et l’environnement. Hélène Jacquot-Guimbal, alors chargée du dialogue social au ministère de l’Environnement, se souvient d’un "jeune fonctionnaire brillant, aux analyses pertinentes. J’ai plusieurs fois repris ses propositions".
En 2007, Jean-Louis Borloo, à la tête d’un immense ministère de l’Écologie, lance le Grenelle de l’environnement. Jean-Claude Mailly demande à celui qui est depuis quelques années secrétaire général du syndicat FO des ingénieurs de l’État d’y porter la parole de la confédération. "FO n’avait aucune position sur le sujet à l’époque", se souvient le syndicaliste, qui construira en quatre mois les réponses aux 120 points à discuter. Son ascension interne se poursuit, il intègre le bureau confédéral en 2009, élargit son champ à l’économie et à la fiscalité. "C’est une pointure, intellectuellement parlant. Il a une très grande culture, notamment en économie", commente un responsable de la fédération FO de la métallurgie, qui le décrit "métallo compatible". Il représente FO aux États généraux de l’industrie, siège jusqu’en 2017 au Conseil national de l’industrie (CNI). Et reste intarissable sur les filières industrielles. Jérôme Frantz, l’ancien patron de Frantz Électrolyse, siège à ses côtés au CNI. Il évoque "un homme de cœur, franc, en qui l’on peut avoir confiance. Pascal a eu le courage d’aller défendre auprès de sa centrale des points qui tenaient à cœur au CNI".
Défendre les outsiders
Devenu secrétaire général de FO, il commencera par réhabiliter le rôle du syndicaliste, "un militant qui cherche à faire progresser les droits des personnes. Cet engagement est noble". Sa deuxième priorité ira à la défense des "outsiders", des jeunes "prêts à accepter n’importe quoi sous la pression du chômage", des demandeurs d’emploi, des travailleurs sans statut. "Dans un contexte de profond changement, il ne faut laisser personne au bord du chemin."
Sera-t-il adepte d’une ligne dure ou modérée ? "On négocie chaque fois qu’on le peut pour obtenir des droits nouveaux. Si la négociation est bonne, on le dit, sinon on se mobilise, par la manif, la grève ou devant les tribunaux." Pour Alain Giffard, de la CFE-CGC, "Pascal Pavageau est le contraire d’un excité. C’est quelqu’un de calme, réfléchi, dont les grandes compétences lui permettent de faire le pont entre l’environnement et l’économie". Un militant FO décrit un tempérament "incisif". Pascal Pavageau reconnaît être "cash et direct", un caractère qu’il retrouve et apprécie chez le président de la République. "On gagne du temps en évitant le bla-bla, et quand il y a accord, on se fait confiance." Une confiance qui n’empêche pas la critique : "Les premiers de cordée ? Ils représentent 1 % de la population et ont depuis longtemps coupé la corde. » Ni la sévérité avec les députés LREM, « qui ne connaissent rien au monde du travail".
Un copain d’école d’ingénieurs décrit ce père de trois grands enfants comme "boulimique de travail. Son engagement, c’est sa vie". Son jardin secret ? "Sa relation avec ses enfants", selon Hélène Jacquot-Guimbal. Et la peinture sur céramique et la course à pied, qu’il est "hors de question" d’arrêter. Lui qui n’a jamais perdu une élection de délégué de classe est assuré de gagner celle du secrétariat général de FO.